Les recibos verdes (reçus verts) sont créés au Portugal dans le courant des années 1980 à l’origine créées pour les professions libérales. Mais aujourd’hui, ils concernent plus du cinquième de la population active soit 1,2 millions des 5,6 millions d’actifs (21%). À bien des égards, les recibos verdes, qui sont considérés comme des prestataires de service indépendant, sont des précurseurs sur statut d’auto-entrepreneur en France.
Leur situation est souvent difficile. Pour Les Dernières nouvelles d'Alsace, « l’indépendance [est le] masque de la précarité » (27/06/2008). Pour Le Monde, ils « incarnent l’extrême précarité du travail » (4/06/2009). Le reçu vert, c’est un coupon détachable qu’un prestataire doit remettre à son donneur d’ordre. Ouverture de l’activité dans l’heure, charges forfaitaires et comptabilité simplifiée ; pas de charge particulière si ce n’est l’impôt sur le revenu et la sécurité sociale payée à part.
Parmi les principaux donneurs d’ordre figurerait l’État lui-même, qui recourt aux services de 140 000 personnes sous ce régime. Une de celle-ci, Cristina Andrade, psychologue du travail, a d’ailleurs créé en 2007, elle a créé le mouvement Fartos d'estes recibos verdes (Ferve, Ras-le-bol de ces reçus verts). Elle travaillait à l’IEFP (le service public de l’emploi) depuis 2004 en étant payée avec des recibos verdes.
La cotisation à la Sécurité sociale est obligatoire après la fin de la première année sous le régime des reçus verts. Mais, selon Le Monde, très peu de « reçus verts » paient cette contribution, qui est au minimum de 159 euros par mois, alors que le salaire minimum au Portugal est de 460 euros.
Le 11 mars 2010, des enseignants qui travaillent grâce à ces « reçus verts » organisaient une manifestation du mercredi devant le ministère de l’éducation à Lisbonne contre la précarité selon RFI (19/04/2010).
Le mouvement Précaires inflexibles, fondé également en 2007, estime que « le Portugal est le laboratoire social de la précarité à grande échelle ». Il remarque (Libération, 14/04/2010) que dans l’inspection du travail, « soixante-dix juristes de cet organisme de contrôle sont payés avec des reçus verts ! »
Depuis la mi-2008, sous la pression des mouvements protestataires, le recours aux reçus verts disparaît progressivement de l’administration. Mais, selon le quotidien Libération (14/04/2010) qui parle d’une « Obligation de service précaire », il cèderait la place « à un système de sous-traitance qui crée tout autant de précarité, sinon plus. »
Un architecte d’une administration publique témoigne : « tout cela est une immense farce. Je fais le travail d’un fonctionnaire, je vis dans une précarité totale, mais j’ai le statut d’un architecte qui, chaque mois, facture un projet. Dans les statistiques nationales, je grossis la liste des chefs d’entreprise dynamiques. Je gagne toujours aussi peu, mais je rapporte davantage à l’Etat. Il y a de quoi devenir fou. Souvent, quand j’attends indéfiniment la paie. »
Réagissant à un article de Place Publique sur les auto-entrepreneurs, un certain D. commente le statut des "recibos verdes" (6/05/2010) : « Très pratique pour certaines professions. Seulement, avec le temps, ce système est devenu une des causes de la grande précarité du travail au Portugal. Les entreprises tournent aux "recibos verdes" et s’affranchissent ainsi de toute taxe et responsabilité sociale. Les prestataires (employés déguisés dans de nombreux cas) sont ainsi mis en concurrence permanente et les rémunérations frôlent souvent le salaire minimum légal (470 €). Et il faudra encore qu’ils payent les 160 € (au minimum) de sécurité sociale. Mission impossible pour beaucoup qui se retrouvent donc exclus du système social. Et de toute manière, pas d’assurance chômage pour ce statut. Le pire est que même la fonction publique use et abuse de ce statut. De nombreux professeurs notamment sont au "recibos verdes". »
À l’usage des Français, D. ajoute à propos de l’auto-entrepreneur : « L’idée est bonne, mais il faut des garde-fous. Il faut donc vraiment cadrer et contrôler ce statut qui, sinon, fera des ravages. »
Manifestation de recibos verdes.