La diffusion d'un reportage sur la microfinance sur la chaîne France 2 a suscité de nombreuses réactions, qu'elles proviennent du grand public ou d'acteurs du secteur. L'équipe du Portail de la Microfinance se propose de rassembler les éléments marquants.
Le 14 mai 2009, l'émission Envoyé Spécial sur la chaîne France 2 diffuse un documentaire intitulé Banquiers des pauvres. A travers une enquête menée en Inde et au Bangladesh, le reportage se propose d'analyser le "seul secteur financier qui résiste à la crise" (France 2). Plus précisément, il entend se pencher sur la question bien connue de la morale et de l'éthique de la microfinance, surtout lorsqu'elle permet aux IMF de réaliser des profits. Ainsi, l'introduction du reportage pose la question suivante (Les IMF) "Sont-elles vraiment fidèles à leur vocation sociale, ou ont-elles trouvé parmi les démunis, de plus en plus nombreux, un marché à conquérir ?"
Voir la 1ère partie et la 2ème partie de ce reportage sur le site de partage de vidéos Dailymotion.
L'équipe du Portail de la microfinance a sélectionné quelques extraits de points de vue du grand public ou de spécialistes exprimés sur des sites internet, blogs ou forums suite à la diffusion de ce reportage.
Les premiers billets sont parus dès le 14 mai après la diffusion du documentaire sur le forum de l'émission.
C'est d'abord un sentiment d'indignation qui se dégage de ces réactions. Ainsi, un téléspectateur semble choqué par la banalisation de la pauvreté et par le fait que ces banques réalisent des profits au détriment des pauvres jugés "très rentables". Un autre va jusqu'à se demander si M. Yunus a obtenu le Prix Nobel "pour avoir aidé les pauvres ou pour l'ingéniosité dont il a fait preuve pour améliorer les revenus des banques ?". Et de poursuivre "Les micro-crédits n'ont rien à envier aux crédits revolving !". Enfin et sur le même ton, une réaction dénonce la microfinance en tant qu'instrument concourant à la paupérisation.
Un internaute moins extrême considère que le secteur est utile à la lutte contre la pauvreté même s'il connaît des dysfonctionnements, avant de conclure "Il est temps de mettre au grand jour ce décalage comme l'a fait cette émission et de rechercher des solutions au plus vite !!!"
En réponse à ce message, un autre téléspectateur se livre à une longue analyse en quatre points : le surendettement, le niveau des taux d'intérêts, l'utilisation des crédits pour des objectifs autres que des activités génératrices de revenu et l'enrichissement des riches (du Nord) "sur le dos des pauvres" (du Sud). Pour lui ces problèmes sont essentiellement liés aux banques centrales dont "les fonctionnaires (...) ne font pas leur travail en légiférant pour encadrer le microcrédit". Il propose quelques pistes afin d'éviter ces dérives : le recours aux centrales de risques, l'obligation légale pour les IMF de communiquer les taux réels annualisés, une meilleure analyse des activités du micro-entrepreneur, et la mise en place de politiques favorables au développement de la concurrence dans le domaine.
Face à ces critiques, certains acteurs du secteur ont eux aussi réagi. Ainsi la société suisse BlueOrchard, spécialisée dans l'investissement en microfinance et l'ONG française PlanetFinance ont publié chacune un communiqué de presse.
Tout en confirmant la réalité de certains problèmes liés à l'essor du secteur, BlueOrchard se montre critique vis-à-vis du documentaire et regrette que l'émission se permette "à travers un éclairage partiel et réducteur, de donner une image si négative de la microfinance en général" (lire le communiqué de BlueOrchard).
Planet Finance, nommément cité dans le documentaire, "dénonce les erreurs, mensonges et raccourcis du reportage d’Envoyé Spécial", et "proteste contre le dommage causé à son image..." De plus, l'ONG française rappelle sa contribution à la lutte contre les dérives soulignées par le reportage (lire le communiqué de PlanetFinance).
D'autres acteurs ont souhaité prendre position sur le sujet. L'ONG française Entrepreneurs du Monde (EdM), elle aussi, confirme que "le reportage pointe du doigt un phénomène réel". Le directeur exécutif affirme "Oui, la tendance, depuis plusieurs années, est de mettre la priorité sur la viabilité des IMF plutôt que sur celle des emprunteurs !". Mais dans le même temps, il met en garde contre toute conclusion hâtive et généralisation, et rappelle les pratiques prônées et appliquées par EdM pour s'assurer de la réalisation de la mission sociale (lire le communiqué de EdM).
Les dirigeants des 2 plateformes de microcrédit en ligne Veecus et Babyloan ont eux aussi réagi via des blogs. Arnaud Poissonnier, fondateur de Babyloan explique que dans la majorité des cas, "le niveau élevé (des taux d'intérêts) s’explique par différents facteurs et n’entache en rien la vocation et l’objet social des IMF : la réduction de la pauvreté". Plus loin il donne un peu plus de détails sur ces facteurs explicatifs notamment sur la structure des coûts opérationnels et financiers des institutions de microfinance. Enfin, il rappelle qu'"aujourd’hui 90 % des IMF perdent de l’argent" (lire le communiqué de Babyloan). Via un communiqué, un(e) représentant(e) de Veecus explique également pourquoi les taux d'intérêts généralement constatés en microfinance sont relativement élevés (lire le communiqué de Veecus).
D'autres réactions sont disponibles dans un article publié par le journal suisse Le Temps relayé par le Portail. Son titre est sans équivoque : Attaques contre le microcrédit. On trouvera dans cet article, outre les réactions de Planet Finance et de BlueOrchard mentionnées plus haut, le point de vue de la société suisse d'investissement en microfinance Symbiotics, du professeur Jean Michel Servet et de Vipin Sharma, directeur d'une faîtière de 111 IMF indiennes nommée Access.
Pour le Portail www.lamicrofinance.org
Mohamed Yunus.