Jean-Paul Jacquier, ancien secrétaire national de la Cfdt, signe sur le site Clésdusocial.com en janvier 2010 un intéressant article de synthèse sur « le dialogue social territorial. »
Le travail de Jean-Paul Jacquier reprend largement les textes publiés par Annette Jobert [A. Jobert, F. Guarriello, E. Heidling, « Le dialogue social territorial en Europe, une perspective comparative » in Les nouvelles dimensions du politique, LGDJ 2009] et un rapport du Conseil économique, social et environnemental, rédigé sous la houlette de J.-L. Walter, Le dialogue social territorial (2009).
L’ancien syndicaliste estime que « trois arguments militent en faveur du dialogue social territorial » : la nécessité de s’adapter à la décentralisation, le besoin de proximité « mère de l’efficacité » et la richesse de la participation sociale générée par les échanges territoriaux.
L’article fait ensuite le point sur les formes et les lieux de cette forme encore récente d’échanges entre syndicalistes et entrepreneurs. Il reprend ensuite des exemples régionaux de « dialogue social de projet ».
Parmi bien autres exemples, M. Jacquier cite la « commission temps sociaux » mise en place dans le pays de Rennes pour aborder les questions liant les horaires des transports, les horaires d’ouvertures et d’embauche. Des bureaux des temps ou agences des temps ont été mis en place sur différents territoires, souvent à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération.
En Ile de France, J-P Jacquier présente l’espace régulier d’échanges et de dialogue social a institué par la DRTEFP « pour permettre aux organisations patronales et syndicales au niveau interprofessionnel d’avoir un lieu de réflexions stratégiques, d’évaluations et d’élaboration de points de vue communs sur les problématiques prioritaires dans la région. Deux thèmes sont apparus comme fédérateurs : les maisons de l’emploi (une seule sur les 26 existantes associe les partenaires sociaux) et les pôles de compétitivité (où, par nature, ils sont absents). »
Selon Jacquier, ce mécanisme de discussion a trouvé son utilité dans la production de projets. En avril 2007, une déclaration commune sur les maisons de l’emploi, a été signée combinée à un tableau de bord de suivi, notamment dans l’objectif de développer la sécurisation des parcours. La santé au travail fait également l’objet de plusieurs projets, dont l’organisation d’un séminaire. Mais au-delà des résultats tangibles, c’est surtout le fait que des liens de confiance se sont tissés entre des partenaires sociaux qui n’avaient pas l’habitude de se rencontrer au niveau interprofessionnel dans la région Île-de-France qui doit, selon Jacquier, être signalé.
Les commissions paritaires locales de Midi-Pyrénées sont également citées (Tarn et Gers), ainsi que le Système productif local (SPL) des dentelles de Calais.
L’auteur s’attarde ensuite sur Poitou-Charentes, présentant la Conférence sociale régionale pour l’emploi ainsi que les travaux du Carrefour de l’innovation sociale, du travail et de l’emploi (CISTE).
Mais le bilan est mitigé : des initiatives éclosent, d’autres s’éteignent du fait du retrait des acteurs. Et certaines s’usent : ainsi, Jacquier remarque que le site internet du Comité national des bassins d’emploi n’est plus à jour depuis 2008…
Une des explications qu’il propose est numérique : « On peut tabler sur le chiffre moyen d’une cinquantaine d’instances par département. En retenant le nombre de dix syndicalistes et de dix employeurs, on affecte vingt représentants à chaque instance. On atteint alors le chiffre de 1 000 mandats départementaux auquel on doit ajouter les mandats régionaux. Chaque organisation syndicale doit donc assurer 200 mandats départementaux et une vingtaine de mandats régionaux (…) Pour le total des départements, ce serait environ 100 000 mandats pour le dialogue social territorial. Ce chiffre, même rapporté à une population de 22 millions de salariés ou aux élus des 30 000 communes, demeure important. »
Jacquier s’interroge alors : « ce volume de sollicitations et d’engagements ne finit il pas par devenir un problème pour des organisations affaiblies, à la recherche d’une relève militante ? »
Le bilan de la négociation collective est peu développé selon notre rédacteur « Trois secteurs négocient des accords salariaux. Quelques commissions paritaires locales ont abouti à des initiatives. Mais ces exemples cachent le peu d’activité contractuelle décentralisée. »
La pauvreté du dialogue social territorial s’explique, selon Jacquier, par la volonté des organisations patronales et syndicales qu’il en soit ainsi. « Il y a eu, et il y a encore un accord implicite majoritaire pour maintenir le dialogue social territorial dans une dimension restreinte. »
Faut il, dans ces conditions que le dialogue social territorial se développe ? Plus que les représentations institutionnelles, c’est la participation sociale qu’il faut rechercher. Le dialogue social territorial est doublement nécessaire : pour le renouvellement des formes de l’action sociale et comme vecteur de solutions à différentes interpellations sociales plus ou moins explicites.
Mais est-il faisable ? Jacquier remarque que « le débat du CESE montre la frilosité des partenaires sociaux ».
Jean-Paul Jacquier est président de Clésdusocial.com. Il est notamment l’auteur de auteur de France, l'introuvable dialogue social (Presses universitaires de Rennes, 2008) et de Les Clés du social en France (éditions Liaisons 1998).
- Le site : www.clesdusocial.com