Sylvain Allemand journaliste à Alternatives économiques, chargé de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris, vient de publier Apprendre la mobilité (éditions Le Cavalier Bleu, mars 2008). Sylvain Allemand est également l’auteur de Le développement durable, Autrement, 2006 et de Les paradoxes du développement durable, Le Cavalier bleu, 2007.
Dans son dernier livre, il rend compte de ce qu’il présente comme une innovation originale : les ateliers mobilité organisés par la par la RATP, l’opérateur principal des transports publics en Île de France. L’un d’entre eux a été accueilli par la Maison de l'emploi et de la formation de Massy (Essonne). La MEF, si elle est ancienne, n’a pas été labellisée au titre du plan de cohésion sociale.
Selon l’éditeur, « la mobilité est une aptitude essentielle qui conditionne l'accès à l'emploi, mais aussi aux lieux de loisirs et de consommation. Or, la mobilité n'est pas qu'une question de transport, ce sont aussi des apprentissages et des compétences que l'on acquiert dès son plus jeune âge : savoir se repérer, lire une carte, passer d'un mode de déplacement à l'autre, etc., tout en assumant le regard des autres : la mobilité a aussi partie liée avec l'estime de soi. »
Voici un extrait de l'introduction de Apprendre la mobilité :
« Mardi 23 octobre 2007, 14 heures, Maison de l'emploi et de la formation de Massy (Essonne) : des jeunes patientent dans le hall, rejoints par quelques retardataires. Nul responsable pour les accueillir, mais deux intervenants extérieurs sont déjà à pied d'oeuvre : Maïté et Didier, des agents de la RATP, qui, avec l'aide du technicien, installent un vidéoprojecteur après avoir disposé des tables en U et préparé des piles de dépliants : des plans du réseau RATP de Paris, d'Île-de-France, de l'Essonne et de départements limitrophes, du Noctilien (le service de bus nocturne), des dépliants sur le pass Navigo, la carte Solidarité transport, etc. En attendant, dans le hall, les interrogations vont bon train.
« - Mais pourquoi est-on là ? demande un des jeunes.
- Pour un atelier mobilité.
- Un quoi ?
« Quelques autres sont dans son cas : ils ont répondu favorablement à la proposition de leur conseiller, mais sans trop savoir où ils mettaient les pieds. Le responsable de la Maison n'est toujours pas là. Qu'à cela ne tienne, les deux agents de la RATP débutent la séance en proposant que chacun indique son prénom sur un petit morceau de carton plié en deux, prévu à cet effet. «Si cela ne gêne personne», s'enquiert Maïté qui, tout aussi précautionneusement, s'assure qu'aucun ne voie d'inconvénient à ce qu'on use du tutoiement. Aucune objection. Le tutoiement est donc adopté. Et Maïté de confier plus tard : «Le public devant lequel nous intervenons vient de milieux sociaux et culturels différents; on ne peut se permettre d'imposer une apparente familiarité.»
« Avant d'entrer dans le vif du sujet, elle propose un premier tour de table pour une brève présentation de chacun : sa situation professionnelle, comment il a entendu parler des ateliers, s'il emprunte régulièrement les transports en commun. Nelly se lance, puis c'est le tour de Fabienne. Au total une dizaine de jeunes ont répondu présents. Tous ont entre 19 et 20 ans et disent utiliser les transports... La plupart habitent loin d'ici et n'ont donc pu faire autrement. Tous sont en quête d'emploi. Carine ne désespère pas de décrocher un emploi de caissière. Certains ont déjà participé à un atelier. À l'image de Nelly qui a trouvé l'expérience «enrichissante».
« Vient le tour de Maïté et Didier... Elle est responsable d'une station de RER. Lui est... contrôleur. Murmures et rires étouffés dans la salle. «Vous allez nous contrôler ?» ose Delphine.
« Didier avait été prévenu. «C'est son travail», s'empresse de rappeler Maïté. C'est aussi son premier atelier, il est là pour se roder aux côtés de sa collègue.
« La séance peut débuter. Au programme, pour commencer, la projection d'un film vidéo spécialement conçu pour ces ateliers : Embûches à l'embauche. Il met en scène un personnage, Alberto, qui a toutes les peines du monde pour se rendre à un entretien, faute de bien connaître les transports en commun, mais aussi d'attention. Un ton délibérément humoristique pour rassurer les participants : en matière d'utilisation des transports en commun, il y a toujours plus «nul» que soi. Il n'y a donc pas de honte à ne pas savoir. Cela s'apprend.
« Manque de chance : un problème technique empêche de projeter le film. Maïté : «C'est la première fois que cela arrive !» Mais elle n'en est pas à son premier atelier. L'expérience aidant, elle improvise en exposant le but de la réunion : découvrir les techniques élémentaires pour mieux utiliser les transports en commun. »